Depuis des siècles, la surdité a suscité des réflexions variées, oscillant entre méconnaissance et admiration. La capacité des personnes sourdes à communiquer par le geste et l'expression corporelle a inspiré des penseurs, philosophes et artistes, qui ont reconnu la richesse et la profondeur de ces formes de communication non verbale.
Platon (427-347 avant J.-C.)
Dans Le Cratyle, Platon imagine comment communiquer sans voix ni langue. Il conclut que, comme les personnes sourdes, nous utiliserions naturellement nos mains et nos corps pour nous exprimer.
Aristote (384-322 avant J.-C.)
Dans Histoire des animaux, Aristote affirme que les sourds de naissance sont muets, reflétant la méconnaissance de son époque sur les langues des signes et leurs capacités.
Saint Augustin (354-430)
Dans De Magistro, Saint Augustin décrit comment les sourds utilisent leur corps pour poser des questions et exprimer des concepts abstraits, reconnaissant ainsi la richesse des gestes.
François Rabelais (1494-1553)
Dans Tiers Livre, Rabelais évoque la croyance selon laquelle « celui qui n’a jamais entendu ne peut parler », reflétant les perceptions historiques limitées de la surdité.
Léonard de Vinci (1452-1519)
Dans son Traité de la peinture, Léonard de Vinci admire la maîtrise des sourds dans l’art de communiquer par gestes et mouvements, qu’il considère comme un art supérieur.
Michel de Montaigne (1533-1592)
Dans ses Essais, Montaigne reconnaît que les sourds savent argumenter et raconter des histoires par signes, montrant que ces gestes constituent une langue complète.
Jérôme Cardan (1501-1576)
Cardan affirme que les sourds-muets possèdent une intelligence égale à celle des entendants et peuvent réussir dans tous les domaines, une vision révolutionnaire pour son époque.
Victor Hugo (1802-1885)
Victor Hugo, dans Notre-Dame de Paris, célèbre la langue des signes et les capacités des sourds à communiquer avec profondeur et poésie. Défenseur des droits humains, il exprime dans son œuvre une idée marquante :
"Qu'importe la surdité de l'oreille, quand l'esprit entend. La seule surdité réelle, la surdité incurable, c'est celle de l'intelligence."
Cette citation incarne parfaitement sa reconnaissance de la richesse intellectuelle et culturelle des Sourds. En intégrant leur monde intérieur dans ses récits, Hugo plaide pour une société plus inclusive et respectueuse. Il est ainsi l’un des premiers écrivains à reconnaître publiquement la profondeur et la valeur de la culture sourde, posant les bases d’une réflexion moderne sur l’inclusion.
Au-delà des gestes, une langue à part entière :
La communication non verbale est bien plus qu’une alternative à la parole : c’est une langue complète, riche et nuancée. Depuis des siècles, des penseurs tels que Platon, Saint Augustin ou Léonard de Vinci ont reconnu la puissance des gestes et des signes pour transmettre idées, émotions et savoirs.
L’abbé de l’Épée a donné vie à cette compréhension en structurant l’éducation des Sourds, plaçant leurs gestes au cœur de l’apprentissage et de la citoyenneté. Son œuvre a légitimé une langue qui transcende les barrières, offrant à des milliers de personnes la possibilité d’être comprises et entendues.
Son héritage nous rappelle que la communication dépasse les mots. Elle est un pont qui unit les individus, permettant à chacun de trouver sa place dans une société plus inclusive et respectueuse de toutes les formes d’expression.
Références :
Platon, Le Cratyle, XXXIV, 422d-423b, Garnier, 1967.
Aristote, Histoire des animaux, Livre IV, chapitre 9.
Saint Augustin, De Magistro, chapitre 3.
François Rabelais, Tiers Livre, chapitre XIX.
Léonard de Vinci, Traité de la peinture, traduction française de 1910, chapitre 15, p. 163-173.
Michel de Montaigne, Essais, Livre II, chapitre 12.
Jérôme Cardan, De utilitate ex adversis capienda, Livre II, chapitre 7, Lyon, 1663.